mardi 9 août 2011

Une couche de phallocratie pour la route ?

Un article est paru dans Le Progrès ces derniers jours. Le Progrès, c'est le quotidien de PQR (presse quotidienne régionale) de la région Rhône-Alpes en gros. L'intitulé de l'article est :Déjà, ça attire l’œil parce qu'on ne sait pas trop de quoi ça veut parler, sinon de sexe ("ébats") à plusieurs et de pédophilie. Et là, ça attire grave ! En général, les articles les plus lus sur ce site arrivent à 12.000 clicks environ. Là, on en est à 56.783 visites le 11 août alors qu'il a été publié le 4 !
Je décortique cet article. Non pas pour son sujet, drame navrant de l'acculturation et de l'abus des plus faibles, non plus pour l'orthographe pas toujours parfaite, mais pour la forme ! On découvre un récit assez plat à la base, truffé d'éclats stylistiques qui n'apportent rien d'autre que... une opinion très phallocrate bourgeoise !

Plantons le décor.
Serge, le personnage central, 32 ans, est un conducteur de bus TCL (transports publics de Lyon) sans histoire : Drôle de petit bonhomme. Toujours d’humeur égale et surtout prêt à servir.

Néanmoins il avait un petit défaut : c'était un gros dragueur en somme. On pourrait encore appeler ça un "bon vivant" :
« Chaud lapin » profitant des multiples occasions pour prolonger à l’horizontale les conversations engagées dans son bus avec des passagères peu farouches

L'auteur nous expose alors avec délice (et faute) :
"À l’insu de son épouse, il a entretenu une triple vie avec deux maîtresses avec lesquels il a eu des enfants. Il travaillait le matin, passait ses après-midi auprès de sa progéniture adultérine et regagnait la couche conjugale à la nuit tombée."
Là encore c'est du Vaudeville, on imagine d'une phrase les courses d'un appartement à l'autre, les mensonges, les stratagèmes, les messages cachés, une dramaturgie classique du comique social populaire . Le lexique est désuet : progéniture adultérine, couche conjugale. Savoureux.

Mais ce qui motive l'article pour de bon, c'est quand Serge déraille : entre femme, maîtresses, clientes à l'horizontale, il a fini par inclure une enfant.
en avril 2010, il a sollicité la participation à ses ébats érotiques de la fille d’une autre conquête
Au passage l'auteur indique que c'est encore une femme différente (encore ce mot pudiquement désuet de conquête).
Celle-ci, dont on apprendra plus bas qu'elle a une personnalité borderline (un mot subitement contemporain) est décrite de manière pire que Serge : Loin de soustraire à cette demande inconcevable, Sabrina, 35 ans, s’est lancée à corps perdu dans cette folie.
Et voilà le cœur du sujet, du titre même :
Pas une seule mais une dizaine de fois où le trio incestueux s’est mélangé et s’est même filmé.

Un "trio incestueux mélangé"! Comme si les trois acteurs étaient au même niveau ! Et le verbe réfléchit "se mélanger" suppose que c'est tout le trio qui est actif, fillette incluse !!!
Pour le moins maladroit... et ça continue quand on lit la suite du récit du journaliste :

Qu'est-ce qui a permis la dénonciation et l'arrêt de "cette folie" ?
Écœurée la petite Amina, du haut de ses six ans a finalement dénoncé les faits à sa tante
La gamine elle-même. Et pour quelle raison ? Écœurée ! Non pas abattue, perturbée, blessée ou psychologiquement traumatisée, non, simplement : ça l’écœure !
Le journaliste finit par présenter les condamnations et le placement de la petite fille. Mais il a encore beaucoup d'indulgence pour le coupable :
Il relève d'abord ce propos de l'avocat : "un problème de prostate l’a complètement perturbé". On croit comprendre qu'il a un problème d'érection, et ça aurait beaucoup perturbé ce "chaud lapin", pauvre dragueur émasculé.
Il est décrit à nouveau : au passé sans tache, il bat sa coulpe, et finalement, la chute qui se veut humoristique de l'article : il devra à présent avoir une… conduite irréprochable est pour le moins douteuse. D'ailleurs on sait juste de lui : Depuis son incarcération, il suit une psychothérapie.

C'est un exemple caricatural de ce que la presse peut donner de grotesque dans le renforcement de la domination du sexe masculin. Ce journaliste n'a peut-être pas lu qu'un puissant de ce monde est tombé dernièrement pour ce genre d'abus...




1 commentaire:

Mers a dit…

C'est le degré zéro de l'information qui devrait être concise et dépourvue de sentimentalisme.